Ses fruits rappellent l’été, et ses tasses l’hiver, ce paysage-là plutôt l’automne et cette jeune femme le printemps. C’est que la peinture de Martin Laquet est de nul temps. Et de peu de lieux, c’est-à-dire de tous. Ce village portugais est fait de morceaux de sucre, cette rue mène à un carrefour qui mène à un chantier, Hélène de Troie aurait bien pu boire dans cette tasse, et je verrais bien cette pomme sur l’arbre au pied duquel Charles Bovary conjuguait son verbe. Bref, on est partout, c’est le monde de Martin Laquet, dont la fenêtre est ouverte sur un concert d’arbres. La mémoire y trouve des choses, l’imagination d’autres. C’est un monde comme un pont, en quelque sorte. On est là, ébaubis, on a laissé les barbares et Landru, la pensée unique et les phrases creuses sur l’autre rive, derrière soi ; on va vers une gaie – bien qu’étrange – lumière. On ne risque ni la faim ni la soif, il y a des abricots et souvent un bol de chocolat. Ni l’ennui, il y a l’aimable sourire poétique des fleurs de cerisier. On sait bien d’où vient l’arbre, mémoire, imagination. Alors on traverse. 

 

                                    Thomas Auque